Quels risques les institutions financières prennent-elles ? De combien de capital ont-elles besoin ? Ces questions sont des éléments clés de la gestion des risques pour le secteur bancaire qui évolue dans un monde en constante mutation. Sous l’autorité de la BCE, les banques peuvent utiliser des modèles internes pour estimer leurs besoins en capital minimum. Ces modèles internes sont actuellement remis en cause par le superviseur de la zone euro.
Suite à la crise financière de 2007-2009, les modèles internes utilisés par les banques pour calculer les exigences de fonds propres réglementaires ont été fortement critiqués, notamment en ce qui concerne la complexité de ces modèles et la variabilité injustifiée (c’est-à-dire non basée sur le risque) de leurs résultats.
« L’impact cumulé des limitations du TRIM et des changements de modèles […] conduira à une augmentation de 12 % des actifs pondérés en fonction des risques (RWA) agrégés ». |
Dans ce contexte et en collaboration avec les autorités nationales compétentes, la Banque centrale européenne (BCE) a lancé en 2016 son plus vaste projet à ce jour : la Revue ciblée des modèles internes (TRIM). Couvrant les modèles internes pour le risque de crédit, de marché et de contrepartie, ce projet vise à accroître la transparence et à garantir des pratiques cohérentes au sein des différentes institutions.
Au total, environ 200 enquêtes ont été menées sur place dans 65 institutions réparties dans 15 pays de la zone euro. Il est à noter qu’une analyse horizontale a été réalisée pour identifier les lacunes les plus courantes ou les plus critiques des modèles internes parmi toutes les institutions.
Finalisés en avril 2021, les résultats des enquêtes ont été compilés et publiés dans le rapport du projet. Dans l’ensemble, ce rapport souligne que les institutions peuvent continuer à utiliser leurs modèles internes. Cependant, un grand nombre de limitations ont été exprimées et distribuées avec différents niveaux de sévérité, afin de s’assurer que le niveau de fonds propres est approprié et suffisant pour couvrir les risques.
Quel est l’impact/le résultat de l’accord TRIM ?
Tout d’abord, l’une des conclusions de cet exercice est que les orientations de la BCE ont été mal interprétées quant à la manière dont les modèles doivent être utilisés pour générer des mesures de risque cohérentes et comparables.
La BCE a identifié un certain nombre de domaines dans lesquels ses exigences n’étaient pas bien spécifiées ou dans lesquels les autorités nationales avaient donné des interprétations incohérentes des exigences de la BCE. L’un des principaux résultats de l’accord TRIM est donc l’amélioration des orientations de la BCE. Cela réduira les cas de variation des actifs pondérés en fonction des risques (RWA) dus à des différences d’interprétation des exigences.
Deuxièmement, en raison d’un manque de données, la BCE a identifié des modèles susceptibles de ne pas être fiables. Ce problème concernait les portefeuilles à faible taux de défaut en général et les modèles de perte en cas de défaut en particulier. En conséquence, la BCE applique des « limitations » à certains modèles afin de s’assurer que les résultats sont suffisants pour couvrir le risque des portefeuilles concernés.
Troisièmement, le rapport de la BCE indique que le TRIM a donné lieu à 253 décisions de surveillance qui devraient entraîner une augmentation de 12 % de l’ensemble des actifs pondérés en fonction des risques des modèles couverts par l’examen. En d’autres termes, on estime que toutes les limitations et modifications de modèles approuvées conduiraient à une augmentation absolue globale des actifs pondérés en fonction des risques d’environ 275 milliards d’euros sur la période 2021-2022. Toutefois, dans la pratique, tout dépendra de la manière dont chaque institution financière s’acquittera de ses obligations.
Conclusion du rapport TRIM
L’objectif de TRIM n’est pas d’autoriser l’utilisation de modèles internes, mais plutôt d’évaluer l’adéquation des modèles utilisés.
À l’avenir, les banques devront continuer à investir dans des modèles de haute qualité. À cette fin, il est particulièrement important que les banques renforcent leur fonction de validation interne. Pour sa part, la BCE poursuivra sa surveillance exigeante des modèles internes, fondée sur le risque, afin de s’assurer que les banques respectent en permanence les exigences relatives à l’utilisation de ces modèles.
De bons modèles internes constituent la base d’une bonne gestion des risques. La mise en conformité des modèles avec la réglementation aide les banques à mieux gérer les risques dans des conditions économiques et de marché normales ou tendues.
Référence : Banque centrale européenne, 2021, Targeted Review of Internal Models, Rapport de projet