Dans le domaine dynamique des institutions bancaires et financières, le paysage est en train de se transformer sous l’effet du changement climatique.

Les décideurs politiques et les investisseurs dans ce domaine sont parfaitement conscients des implications du changement climatique pour les institutions financières. Dans cet article, nous nous lançons dans une exploration complète des subtilités du risque climatique, en étudiant les implications financières potentielles spécifiques aux banques et aux entités financières. En outre, nous décrivons des approches communes pour une évaluation efficace des risques dans ce domaine financier en constante évolution.

Qu’est-ce que le risque climatique ?

Risque de transition et risque physique

Le risque climatique se compose de deux éléments clés : les risques physiques et les risques de transition. Les risques physiques englobent les conséquences directes et indirectes des dommages liés au climat sur les biens, les infrastructures et les terres, affectant les entreprises de diverses manières.

D’autre part, les risques de transition résultent des changements dynamiques dans les politiques climatiques, la technologie et les sentiments du marché au cours de la transition vers une économie à faible émission de carbone. Ces deux composantes représentent un défi global pour les institutions financières qui doivent faire face aux impacts immédiats et s’adapter à l’évolution des facteurs liés au climat.

Implications financières potentielles

Impact sur les institutions financières

Le risque physique pose des défis importants aux banques, et ce de deux manières. Tout d’abord, par l’exposition directe : imaginons qu’un particulier obtienne un prêt pour acheter un bien immobilier, tel qu’une maison ou une usine. Si un événement défavorable, tel qu’une inondation ou une tempête, se produit, il peut endommager le bien, réduisant ainsi sa valeur globale. Cette perte de valeur devient problématique car elle diminue la capacité de l’actif à servir de garantie adéquate pour le prêt, exposant potentiellement la banque à des risques plus élevés en termes de recouvrement du prêt et de stabilité financière.

Le second défi, qui concerne l’exposition indirecte, est un peu plus complexe. Imaginons qu’une entreprise ait emprunté des fonds à la banque. Si un événement imprévu, comme une catastrophe naturelle, perturbe les activités de l’entreprise, celle-ci peut rencontrer des difficultés à produire et à générer des revenus.

Cette capacité d’exploitation réduite affecte la fiabilité de l’entreprise à rembourser le prêt et, dans les cas les plus graves, elle peut se retrouver en situation d’insolvabilité. Par conséquent, la banque doit non seulement faire face à la diminution de la valeur du bien déprécié (par exemple, la maison ou l’usine), mais aussi à la pression financière résultant des difficultés de l’entreprise. Il s’agit essentiellement d’un double impact, qui pose un défi considérable à la banque.

En ce qui concerne les assureurs et les réassureurs, le risque physique se manifeste de manière distincte. L’augmentation des demandes d’indemnisation et des pertes liées aux sinistres modifie le secteur de l’assurance. Cela pourrait rendre plus difficile l’obtention d’une couverture, en particulier dans les zones à haut risque de dommages physiques. En d’autres termes, la fréquence et la gravité accrues des sinistres pèsent sur le secteur de l’assurance, ce qui a un impact sur sa capacité à offrir une couverture dans les zones sujettes à des événements physiques défavorables.

Le risque de transition a un impact sur les banques et les compagnies d’assurance en raison des répercussions financières potentielles découlant des changements dans les politiques environnementales, en particulier celles qui sont liées à la tarification du carbone. Imaginons un scénario dans lequel le gouvernement décide de lutter contre le changement climatique en augmentant considérablement le prix du carbone.

La banque locale, qui investit dans ces secteurs à forte intensité de carbone, voit la valeur de son portefeuille diminuer, car ces entreprises doivent faire face à des coûts opérationnels plus élevés. Parallèlement, les compagnies d’assurance subissent des effets similaires sur leur portefeuille d’investissement. Dans ce cas, l’évolution des prix du carbone a un impact direct sur la santé financière et l’évaluation des risques des banques et des compagnies d’assurance.

Préoccupations en matière de stabilité financière

Les risques s’étendent également à l’ensemble de l’économie, en particulier si la transition vers une économie à faibles émissions de carbone est brutale ou mal coordonnée au niveau mondial.

Les banques centrales et les régulateurs financiers reconnaissent ces implications et intègrent les risques liés au climat dans les cadres de surveillance. Les tests de résistance qui intègrent des scénarios de risques climatiques deviennent des outils essentiels pour évaluer la résilience des institutions financières.

Un rapport récent a été publié en décembre 2023 par la Banque centrale européenne et le Comité européen du risque systémique. Ce rapport examine l’impact du changement climatique sur le système financier de l’Union européenne. Il a été publié en décembre 2023. Il souligne le rôle essentiel des banques dans la gestion des risques de stabilité découlant des émissions dans l’économie de l’UE, avec une exposition significative aux entreprises et aux ménages fortement émetteurs.

La stratégie macroprudentielle proposée vise à traiter systématiquement les risques liés au climat, en étendant son champ d’application à des risques plus larges liés à la nature. Le rapport préconise une approche globale, axée sur la gestion des risques pour le secteur bancaire et les emprunteurs, ainsi que sur les risques liés à l’intermédiation financière non bancaire.

Le rapport suggère d’utiliser les instruments existants de la boîte à outils macroprudentielle de l’UE, tels que les tampons de risque systémique[1] et les limites de concentration des risques[2], pour une gestion ciblée et modulable des risques pour la stabilité financière liés au climat. En outre, il explore les risques potentiels posés par la dégradation de la nature pour la stabilité financière, en mettant l’accent sur la dépendance des institutions financières à l’égard des services écosystémiques. Cette analyse complète s’aligne sur la réponse plus large de la BCE au changement climatique, y compris les tests de résistance et les attentes en matière de gestion des risques pour les banques supervisées.

Évaluer le risque

Tests de résistance et analyse de scénarios

Dans le domaine de la gestion des risques liés à la transition climatique, les institutions financières utilisent des outils et des méthodologies sophistiqués. L’une des approches les plus efficaces est celle des tests de résistance combinés à l’analyse de scénarios. Cette méthode permet aux institutions de simuler des scénarios plausibles, en tenant compte de l’évolution des politiques climatiques, des progrès technologiques et des sentiments du marché. En soumettant les portefeuilles à ces scénarios, les institutions acquièrent une vision stratégique – semblable à un rapport météorologique financier – pour naviguer dans les complexités de la transition en cours.

Le Network for Greening the Financial Sector (NGFS) définit des scénarios climatiques, classés en trois catégories : ordonné, désordonné et « monde de la maison chaude », chacun présentant des niveaux distincts de risques physiques et de risques de transition. Dans le cadre de l’analyse des scénarios, où les institutions doivent discerner les investissements à privilégier, les scénarios du NGFS fournissent un cadre structuré.

Les actifs sont sélectionnés en fonction du scénario climatique spécifique, ce qui confère un certain degré de réalisme aux tests de résistance et permet aux institutions d’évaluer leur résilience dans diverses circonstances liées au climat.

Classification des secteurs pertinents pour la politique climatique (CPRS)

Pour se plonger dans l’évaluation du risque de transition climatique dans les portefeuilles, les institutions financières se tournent vers la classification Climate Policy Relevant Sectors (CPRS), un outil stratégique introduit par Battiston et al. en 2017. Cet outil fournit une catégorisation systématique et exploitable des activités économiques, en tenant compte de facteurs tels que leur rôle dans la chaîne de valeur énergétique, les émissions de gaz à effet de serre, les processus politiques et les modèles d’entreprise.

Cette catégorisation garantit une approche normalisée et renforce la capacité du secteur financier à évaluer l’exposition des investisseurs au risque lié à la transition climatique. La classification CPRS a été utilisée par plusieurs institutions et décideurs politiques, notamment la Banque centrale européenne (BCE) (2019), l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) (2019, 2020) et l’Autorité bancaire européenne (ABE) (2020, 2021).

Alors que les institutions financières s’alignent sur l’urgence d’atténuer le changement climatique, la classification CPRS devient un élément clé pour comprendre et traiter le risque de transition climatique. Elle offre une classification reproductible et comparable des activités économiques à travers les portefeuilles et les juridictions, allant au-delà du concept traditionnel « d’actifs échoués en matière de carbone ».

En s’appuyant sur la classification de la CPRS, les institutions financières peuvent évaluer de manière exhaustive les risques financiers liés au climat, ce qui permet de mieux comprendre comment les revenus de diverses activités économiques pourraient être affectés lors d’une transition désordonnée vers une économie à faible émission de carbone. Reconnue et appliquée à l’échelle internationale, la SCRP fait figure de phare dans les efforts déployés par le secteur financier pour naviguer sur le terrain complexe des risques liés à la transition climatique.

Paysage réglementaire

Le cadre de Bâle

Bien que le cadre réglementaire de Bâle ne contienne pas d’exigences spécifiques en matière de capital adaptées aux risques climatiques, il est largement reconnu que l’intégration de ces risques dans le cadre n’est pas une question de si, mais de quand.

Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (BCBS) a pris des mesures proactives dans cette direction en publiant des clarifications en réponse aux questions fréquemment posées (FAQ) en décembre 2022. Ces FAQ donnent des indications sur la manière dont les banques peuvent intégrer les risques financiers liés au climat dans les normes existantes du premier pilier de Bâle III sans devoir modifier les normes elles-mêmes.

En outre, le CBCB a reconnu que les risques financiers liés au climat constituent un aspect essentiel des principes fondamentaux de Bâle, qui servent de normes universelles pour une réglementation et une surveillance bancaires saines. Les modifications apportées à certains principes fondamentaux obligeraient les autorités de surveillance à tenir compte des risques climatiques dans leurs méthodes et processus, ce qui souligne l’importance croissante de la prise en compte des risques climatiques dans la réglementation bancaire.

Le rôle du Fonds monétaire international

Le FMI, dont le mandat principal est d’analyser les risques et les vulnérabilités, reconnaît la nécessité d’intégrer les risques liés au changement climatique dans les politiques macrofinancières. Il est essentiel d’améliorer les tests de résistance, en se concentrant sur les risques physiques et de transition, pour comprendre la transmission macrofinancière des risques climatiques.

Il est essentiel de combler les lacunes en matière de données en normalisant les rapports et en divulguant des informations sur le climat pour pouvoir prendre des décisions éclairées. Le FMI collabore avec les banques centrales, les autorités de surveillance et les organisations internationales pour élaborer des cadres d’évaluation des risques liés au climat.

Alors que nous sommes confrontés aux coûts économiques du changement climatique, la finance apparaît comme un acteur clé de la gestion de la transition. Avec des politiques réfléchies, des institutions conscientes des risques et des investissements durables, le secteur financier peut contribuer de manière significative à la construction d’un avenir résilient et durable pour les générations à venir.

Renforcer la résilience : Naviguer dans les risques climatiques dans la finance

En conclusion de notre exploration des risques climatiques dans le paysage financier, il est évident que le changement climatique pose à la fois des défis et des opportunités pour les banques et les institutions financières. Avec la fréquence croissante des phénomènes météorologiques extrêmes et la transition vers une économie à faible émission de carbone, il est impératif que le secteur financier s’adapte et innove.

Grâce aux tests de résistance, à l’analyse de scénarios et à des outils tels que la classification des secteurs pertinents pour la politique climatique (CPRS), les institutions peuvent se faire une idée de leur exposition et élaborer des stratégies pour atténuer les risques. À l’avenir, les efforts de collaboration, les politiques éclairées et les investissements durables seront essentiels pour renforcer la résilience et la durabilité face au changement climatique.

Sources :

 

[1] Tampons de protection contre le risque systémique : Exigences réglementaires en matière de fonds propres visant à renforcer la résistance des banques aux crises systémiques, à réduire la probabilité et la gravité de l’instabilité financière en améliorant l’adéquation des fonds propres pendant les périodes de tension [2] Limites de concentration des risques: Mesures réglementaires limitant l’exposition des banques à des risques spécifiques, tels que le risque de crédit, de marché ou de liquidité, afin d’éviter une concentration excessive sur une seule contrepartie, un seul secteur ou une seule classe d’actifs, favorisant ainsi la diversification et renforçant la stabilité financière.

Un article de Ruben De Gieter – Consultant chez DynaFin.