Les Accords de Bâle IV ont été introduits dans le prolongement des précédents accords de Bâle (I, II, et III) pour renforcer encore la résilience du secteur bancaire face aux crises. Les Accords de Bâle IV visent principalement à combler les lacunes observées dans les règles de Bâle III, introduites après la crise financière de 2008, et à limiter les variations excessives dans les méthodes de calcul des actifs pondérés par le risque (Risk-Weighted Assets, RWA).

 

Les accords ont été finalisés en 2017, et leur mise en œuvre progressive vise à atténuer les risques d’arbitrage réglementaire et à uniformiser les exigences de capital entre les banques. Les enjeux principaux étant de :

  • – Renforcer la transparence et la comparabilité des ratios de solvabilité des banques.
  • – Limiter l’utilisation des modèles internes pour le calcul des RWA, qui avaient permis à certaines banques de réduire artificiellement leurs exigences en capital.
  • – Mettre en place des standards plus conservateurs pour mieux couvrir les risques de crédit.

 

La mise en œuvre de Bâle IV a été prévue de manière progressive pour permettre aux banques de s’adapter aux nouvelles exigences :

  • 2017 : Finalisation des règles de Bâle IV.
  • 2023 : Date de début initialement prévue pour les exigences en matière de fonds propres (reportée à 2025 en raison de la pandémie COVID-19).
  • 2025 : Mise en œuvre de l’output floor, qui impose une limite inférieure pour les RWA des banques utilisant des modèles internes, les fixant à au moins 72,5 % des RWA calculés selon la méthode standardisée.
  • 2028 : Achèvement de la phase de transition pour l’output floor.

 

Rappel des règles de Bâle III et changements apportés par Bâle IV

Bâle III

Les règles de Bâle III, introduites en 2010, avaient pour but de renforcer la résilience du secteur bancaire. Elles introduisaient :

  • Augmentation des exigences en capital : Accroissement du ratio de fonds propres pour atteindre un minimum de 4,5 % de Common Equity Tier 1 (CET1) et 8 % de fonds propres de niveau 1.
  • Ratio de levier : Introduction d’un ratio de levier minimum de 3 %, limitant la capacité des banques à accumuler des actifs en excès par rapport à leurs capitaux propres.
  • Coussins de conservation et contra-cycliques : Création de coussins pour absorber les pertes en période de crise.
  • Ratio de liquidité : Deux ratios de liquidité, le Liquidity Coverage Ratio (LCR) et le Net Stable Funding Ratio (NSFR), pour assurer que les banques détiennent des réserves de liquidités adéquates et soient moins dépendantes des financements à court terme.

 

Bâle IV

Bâle IV conserve les fondamentaux de Bâle III mais introduit des changements notables, notamment :

  • 1. Limitations sur les modèles internes : L’introduction d’un output floor de 72,5 % impose que les RWA d’une banque ne puissent pas descendre en dessous de 72,5 % des RWA calculés selon la méthode standardisée, limitant les variations importantes issues des modèles internes.
  • 2. Standardisation du calcul des RWA : Une révision des méthodes de calcul des RWA dans plusieurs classes d’actifs. La méthode standardisée devient plus sensible au risque, avec des pondérations adaptées à différents types de risques de crédit (p.ex. immobilier, PME).
  • 3. Consolidation des ratios de solvabilité : Bâle IV maintient les exigences de Bâle III mais renforce la surveillance et la transparence des ratios de solvabilité.

 

Quelles sont les conséquences pour les banques ?

Les nouvelles règles imposent aux banques de rehausser leurs exigences en capital pour certains types de risques, ce qui peut réduire leur rentabilité, surtout si elles utilisent des modèles internes sophistiqués pour évaluer les risques. En revanche, cette standardisation des exigences contribue à accroître la stabilité du secteur bancaire en rendant les ratios de capital plus cohérents et comparables entre institutions.

 

Comment les banques peuvent-elles répondre à ces nouvelles exigences ?

Pour se conformer aux règles de Bâle IV, les banques devraient mettre en œuvre plusieurs actions pratiques et stratégiques afin d’ajuster leurs modèles de risque, leur capital, et leurs processus internes. Voici quelques exemples d’actions qui pourraient-être entreprises :

 

1. Adaptation des modèles de calcul des risques

  • Revue des modèles internes : Les banques qui utilisent des modèles internes pour évaluer leurs actifs pondérés par le risque (RWA) doivent ajuster ces modèles pour respecter l’output floor de 72,5 %. Cela signifie que, dans certains cas, elles devront adopter une méthode standardisée pour certains portefeuilles de risques.
  • Adoption des méthodes standardisées pour certains portefeuilles : Pour répondre aux exigences de Bâle IV, certaines banques peuvent opter pour l’abandon des modèles internes sur certains actifs spécifiques et adopter la méthode standardisée, qui sera plus alignée avec les nouvelles exigences.

 

2. Renforcement de la gouvernance et de la gestion du capital

  • Constitution de réserves de capital : Les banques doivent s’assurer qu’elles disposent de capital suffisant pour couvrir les exigences accrues liées à l’output floor et aux changements dans les pondérations de risque. Cela peut nécessiter une augmentation des fonds propres ou une redistribution des actifs pour diminuer leur profil de risque.
  • Ajustement des politiques de dividendes : Pour accumuler davantage de capital, les banques peuvent ajuster leurs politiques de distribution de dividendes, en limitant les versements aux actionnaires pour renforcer leurs réserves.

 

3. Optimisation du portefeuille et réallocation des actifs

  • Réallocation des actifs risqués : Les banques devront réévaluer leurs actifs pour réduire les expositions trop risquées ou celles qui entraînent une pondération élevée sous les nouvelles règles. Cela pourrait mener à des changements de stratégie en matière de crédit, notamment en se concentrant sur des portefeuilles avec des pondérations de risque moindres (p.ex. prêts aux PME, prêts hypothécaires résidentiels).
  • Réduction des expositions risquées : En réduisant les expositions à des secteurs ou clients à risque élevé, les banques peuvent diminuer leur charge en capital.

 

4. Mise à niveau des systèmes et des données

  • Modernisation des systèmes de gestion de risque : Les nouvelles exigences de Bâle IV impliquent une meilleure qualité de données pour le calcul des RWA. Les banques doivent investir dans des systèmes capables de traiter des données précises et cohérentes, avec des capacités de reporting accrues.
  • Amélioration de la qualité des données : Le calcul des RWA par la méthode standardisée nécessite des données très détaillées, notamment sur la nature des actifs, les garanties, la taille et le secteur des contreparties. Cela nécessite des efforts de collecte, de nettoyage, et d’intégration des données dans les systèmes de gestion des risques.

 

5. Renforcement des contrôles internes et des capacités de reporting

  • Amélioration des contrôles internes : Les banques doivent renforcer leurs processus de contrôle pour vérifier l’exactitude des données et la conformité aux règles de Bâle IV. Cela inclut une surveillance accrue des calculs de RWA et de la répartition des fonds propres.
  • Mise en place de capacités de reporting accrues : Bâle IV implique un reporting régulier et détaillé aux régulateurs, exigeant des banques de mettre en place des outils de reporting améliorés pour suivre les exigences en capital et la répartition des risques.

 

6. Formation et sensibilisation du personnel

  • Sensibilisation aux nouvelles réglementations : Les équipes des banques, notamment celles en gestion du risque, en finance et en conformité, doivent être formées aux nouvelles règles et comprendre comment elles impactent les activités.
  • Formation sur la gestion du capital et du risque : Les équipes devront être sensibilisées aux impacts de Bâle IV sur les stratégies de crédit et de capital, en veillant à ce que les décisions d’octroi de crédit soient conformes aux nouvelles contraintes en capital.

 

Quel impact pour les institutions financières belges ?

 La Belgique, en tant que membre de l’Union européenne, est soumise aux réglementations bancaires européennes qui mettent en œuvre les accords de Bâle IV. La Banque nationale de Belgique (BNB) et la FSMA (Autorité des services et marchés financiers) veilleront à la conformité des banques belges aux règles de Bâle IV. Toutefois, le pays peut parfois adopter des interprétations ou des ajustements spécifiques en fonction de son contexte économique et financier.

En effet, le secteur bancaire belge est un acteur clé dans l’économie du pays, avec des établissements bien établis qui ont une forte présence locale et internationale. Ces grandes banques devront s’adapter aux exigences accrues de Bâle IV, ce qui pourrait nécessiter des ajustements de capital importants.

Toutefois, elles disposent généralement des ressources nécessaires pour faire face à ces défis. Pour les banques belges de taille moyenne et petite, en particulier celles qui se concentrent sur les marchés locaux et les crédits aux PME, les règles de Bâle IV pourraient avoir un impact plus important en raison de leur moindre capacité à internaliser les coûts d’adaptation. Ces banques devront peut-être revoir leur approche en matière de risque et de capital, notamment pour se conformer à l’output floor et à la standardisation des RWA.

Le marché belge est particulièrement actif en matière de prêts hypothécaires, qui constituent une part importante des actifs des banques domestiques. Les changements apportés à la pondération des risques dans ce secteur sous Bâle IV, notamment l’ajustement des critères de calcul des RWA pour les prêts immobiliers, auront un impact sur la gestion du capital des banques belges. Si les règles deviennent plus strictes pour ces types d’actifs, les banques devront peut-être réévaluer leur exposition et ajuster leur offre de crédit immobilier.

Les PME également jouent un rôle essentiel dans l’économie belge. De nombreuses banques belges, en particulier celles qui se concentrent sur des marchés régionaux ont une exposition significative au secteur des PME.

Bâle IV, avec ses exigences plus strictes sur les actifs pondérés par le risque, pourrait compliquer l’octroi de prêts à ces entreprises, surtout si elles sont considérées comme plus risquées. La révision des pondérations des risques pourrait rendre plus coûteuse la gestion du crédit pour ces segments, ce qui pourrait conduire à une réduction des prêts ou à des conditions de crédit plus strictes pour les PME belges.

Le marché bancaire belge devra donc s’adapter aux exigences de Bâle IV de manière similaire à d’autres pays européens, mais en tenant compte de ses spécificités locales. Les banques belges devront s’adapter à la révision des pondérations des risques, en particulier pour les prêts hypothécaires et les crédits aux PME, qui représentent une part importante de leur portefeuille.

La standardisation des RWA et l’introduction de l’output floor pourraient faire augmenter les exigences en capital, rendant le crédit plus coûteux, notamment pour les segments perçus comme plus risqués. Les banques devront ajuster leurs stratégies de gestion du risque, réévaluer leurs portefeuilles et améliorer leurs systèmes de gestion du capital pour se conformer aux nouvelles règles tout en assurant leur rentabilité à long terme.

En conclusion, l’application des règles de Bâle IV demande aux banques de revoir de manière significative leur gestion du capital et leurs stratégies de risque, avec un accent sur la transparence, la précision des données, et la robustesse des systèmes de gestion des risques. La mise en conformité avec ces règles pourrait ainsi réduire temporairement leur capacité de rentabilité, mais elle devrait, sur le long terme, améliorer la résilience et la confiance dans le secteur bancaire.